Samuel venait d'obtenir son diplôme quand Agnes se fit renverser par une voiture. Il se souvient très bien de sa main qui avait lâché le fameux papier et son portable et il avait alors cédé à une panique sans nom. Le temps de trouver ses clés et son porte-monnaie dans son appartement en bordel, le temps d'enfiler ses chaussures, il n'avait cessé de trembler et il avait perdu de précieuses secondes à essayer de verrouiller sa porte. Chaque instant comptait. Et si elle ne se réveillait pas ? Il manqua se casser la figure des escaliers, courut jusqu'à la station de métro. Le trajet se fit dans une étrange et inquiétante bulle de silence, comme si malgré leur désintérêt total, les usagers comprenaient que l'heure était grave pour Samuel. Il ne se perdit même pas dans les couloirs de l'hôpital. Il ne pouvait que se concentrer sur la figure pâle et bardé de bandages d'Agnes. Malgré les yeux clos de la jeune fille, il ne put s'empêcher de souffler en voyant qu'elle respirait et il s'écroula sur la chaise la plus proche, sa grande main serrant doucement celle si fine et menue de sa soeur. Une infirmière posa une main se voulant réconfortante sur son épaule, mais Samuel demeura muet. On lui expliqua que l'accident avait brisé sa colonne vertébrale. La voiture avait grillé un feu rouge et sa soeur ne pourrait plus jamais marcher. Mais elle était en vie, et c'état tout ce qui comptait.
Agnes se réveilla peu après que ses parents soient arrivés. Sa mère pleura à chaudes larmes, serrant sa fille dans ses bras tandis que Samuel et son père restaient aussi stoïques que possible. Si Agnes ne pouvait être forte, ils le seraient à sa place. Mais la jeune fille se révéla bien plus forte qu'eux tous réunis. Sa rééducation fut longue et éprouvante, douloureuse même. Il fallut déménager pour acquérir un appartement adapté, obtenir un fauteuil roulant, des aides financières... Le quotidien des Hohenburg s'était compliqué mais aucun ne faiblissait. Et le diplôme de Samuel fut passé à la trappe. Agnes accaparait l'attention de ses parents, non pas qu'il en soit jaloux. Mais toute la fierté de ses parents étaient dirigés sur elle, ses moindres petits progrès, ses victoires. Elle avait décidé de continuer ses études de médecine malgré les obstacles, malgré le retard. Malgré le brusque incendie du campus, elle était déterminée. La vie des Hohenburg ne semblait plus que se définir par Agnes et sa combativité. Bien loin des maladresses et du pauvre job de comptable de Samuel.